Qu’avez-vous mis en place pour accompagner le management féminin au sein de votre entreprise ?

Nous avons fédéré un réseau en interne, PwC Seed, qui a pour vocation d’animer le collectif féminin. Cela se fait notamment au travers de conférences inspirantes sur différents sujets : le leadership, l’équilibre de vie, l’accompagnement pour les retours de congés maternité… Nous avons également créé un programme de mentoring des femmes pour les aider à développer leur leadership.

La création de ce réseau répondait-elle à un besoin ?

Il y a toujours cette question de la réussite des femmes dans l’entreprise, le plafond de verre. Qu’est-ce que le leadership, comment se développer en tant que leader femme, est-ce différent d’un leader homme et si oui pourquoi ? Toutes ces questions nécessitaient que les femmes puissent avoir des échanges entre elles. D’autant plus que, sans rentrer dans les poncifs, il y a un sujet où les femmes sont régulièrement moins efficaces que les hommes, c’est le networking, le réseautage, qui, en partie par faute de disponibilité, est moins facile à développer pour les femmes.

Un autre aspect auquel nous sommes attentifs, c’est le recrutement de femmes. On recrute en moyenne 48 % de femmes chaque année et on suit de près la parité de nos recrutements.

Un troisième élément concret, c’est de pousser des objectifs précis de parité, que certains appellent “quota”. En effet, lorsqu’on fait des évaluations annuelles de performance, les évaluations moyennes des femmes sont généralement inférieures à celles des hommes, ce qui a des conséquences sur la rémunération. Dans les systèmes
de sélection de talents,
elles sont aussi souvent évaluées comme ayant un talent moindre que les hommes alors qu’elles ont fait les mêmes études et qu’elles ont la même expérience. J’ai fait ce constat dans plusieurs entreprises : les recommandations auprès du management et le mode éducatif ne fonctionnent pas ou pas assez vite. Alors chez PwC, on a pris l’optique de l’imposer. On impose la parité des performances, des sélections de talents, et de ça découle l’égalité sur le plan des rémunérations. Ces mesures permettent de contrecarrer les biais inconscients et les éventuels retards qui seraient pris par les femmes, notamment au retour des congés maternité.

Parmi les autres actions mises en place et sur lesquelles on travaille encore, il y a la parentalité au sens large. On veut pousser le sujet pour qu’il ne soit plus féminin lorsqu’il est évoqué en entreprise. On a eu, par exemple, des échanges assez vifs sur les congés d’adoption ou les congés PMA (procréation médicalement assistée) étendus. Je suis persuadée que les entreprises ont leur rôle à jouer : en mettant en place des politiques inclusives, elles font évoluer la société.

Enfin, un autre point pour ouvrir sur le futur, c’est qu’on a nommé une personne chargée de la diversité et de l’inclusion dans notre nouveau comité de direction.

Selon vous, est-ce qu’il existe un leadership au féminin ?

Je n’aime pas trop parler de leadership au féminin. Le leadership n’est pas genré, c’est une capacité à inspirer, influencer, développer, embarquer une communauté vers un objectif. Quand vous regardez les grands traits du leadership, les femmes sont plus portées sur le résultat, le concret, les notions d’équilibre de vie. On leur prête plus d’empathie, ce genre de choses. Et pour les hommes, plus de capacités à réseauter, moins dans le collectif et plus dans les intérêts personnels de carrière. On a longtemps considéré que le bon modèle était le modèle masculin et les femmes qui sont leaders aujourd’hui s’y sont souvent conformées. Il y a une nécessité d’avoir des leaders femmes qui puissent être des modèles pour les autres femmes.

Un autre sujet est celui de la confiance en soi. Est-ce qu’il faut se montrer tout le temps forte, indestructible ? Se montrer, car je ne dis pas que ce soit la réalité. Les hommes ont
beaucoup plus tendance à montrer une forte confiance en eux. Est-ce que c’est ça, le modèle ? Ou est-ce que l’on veut un modèle où l’on a plus tendance à se confier sur ses fragilités et ses faiblesses ? Mais il faut surtout commencer à regarder les modèles individuels, masculins et féminins, parce que le leadership est une capacité qui n’est pas genrée, on peut l’exercer avec sa personnalité.

Pourquoi ne trouve-t-on pas encore autant de femmes que d’hommes aux postes de pouvoir ?

Je pense que les entreprises n’ont pas toujours laissé la place et que les femmes hésitent, aussi. Certaines n’ont pas envie de devenir manager, elles pensent que ce sont des processus, du temps passé qui vont les rendre moins efficaces à la fois dans leur travail et à la maison. Il y a toujours cette peur de ne plus pouvoir tout gérer. Mais lorsqu’on a des modèles féminins, comme chez PwC, des associées qui prouvent qu’avec quatre enfants, on peut très bien avoir une carrière, équilibrer sa vie et surtout le dire, on peut se projeter. La flexibilité accrue dans les entreprises permet aux gens de s’organiser de plus en plus, c’est un élément facilitant. Et non plus en se conformant au modèle de l’homme qui reste tard parce qu’il n’a pas de contraintes et que sa femme est à la maison ! Ce sont des vieux poncifs qui tendent à disparaître mais ils existent encore. Je crois dur comme fer qu’avec des modèles féminins et plus de flexibilité, on pourra voir émerger d’autres modèles et dire « non, moi je ne fais pas comme ça ».

C’est donc l’exercice du pouvoir qui est en pleine transformation ?

Il y a une accélération très forte sur beaucoup de thèmes, les jeunes générations sont très impliquées sur ces sujets d’équilibre hommes – femmes dans la vie en général et dans les entreprises. Je crois que les jeunes femmes ne seront plus enclines à tolérer ce qui a pu être toléré par les femmes du monde d’avant et qu’on va vivre une transformation avec la génération de femmes et d’hommes qui arrive sur le marché du travail. Il faut souligner que l’accompagnement fait par les pouvoirs publics est aussi très important. Il y a quelques années, la loi Copé- Zimmermann (qui impose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes et moyennes entreprises) nous a fait passer du bonnet d’âne à l’une des nations avec le plus de femmes dans les conseils d’administration. On peut se dire contre les quotas mais force est de constater que ça fonctionne.

La publication des index de l’égalité hommes-femmes (obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés, il porte sur la rémunération, la répartition des promotions et augmentations, la parité parmi les plus hautes rémunérations, etc.) est un prisme, certes incomplet, mais que l’on utilise aujourd’hui chez PwC. On le monitore, ce sont des indicateurs intéressants. Tout ce que l’on a mis en place en termes de performance, de talent, de rémunération ou de retour de congés maternité, c’est ce que mesure cet index et ça nous a permis de faire de grands pas. Ce sont des cercles vertueux qui s’auto-nourrissent.

En mars 2020, il a fallu gérer une réorganisation assez brutale des entreprises. Est-on mieux armée à gérer l’incertitude, les situations hors normes, lorsqu’on est une femme ?

On dit souvent que les personnes qui vivent des situations difficiles et qui sont challengées sont les plus résilientes. Je vois une résilience chez les femmes, elles sont résistantes à la difficulté, à la charge de travail. Certains disent aussi que les hommes ont des capacités fortes comme celle de prendre des décisions, par exemple. Je ne vais pas opposer les hommes et les femmes, ni genrer des qualités, c’est la mixité qui fait la richesse, notamment dans une situation de crise. Les préoccupations ne sont pas toujours identiques mais elles se complètent.

Qu’avez-vous mis en place sur le bien-être individuel pour nourrir la performance collective ?

Nous avons lancé le sujet de façon globale il y a environ trois ans, avec quatre cadrans : l’énergie physique, l’énergie mentale, l’énergie émotionnelle et l’énergie spirituelle. En France et au Maghreb, nous avons lancé le programme “Be well, work well” (soit bien, travaille bien) pour le bien-être et la santé dans le cadre du travail. Bien sûr, on ne prétend pas gérer le bonheur des salariés, les entreprises ne sont pas omnipotentes.

La partie énergie physique est essentielle, nous encourageons beaucoup les salariés à faire du sport. L’activité physique et sportive prévient les maladies, le mal-être mental, c’est bon pour tout. Nous l’avons particulièrement mesuré depuis la crise sanitaire, lorsqu’on s’est tous retrouvés assis en permanence derrière nos ordinateurs. Pendant le premier confinement, nous avons lancé un challenge sportif où chaque activité donnait des points et, si l’objectif était atteint, permettait un don à une association. Ça a fonctionné au-delà de nos espérances. En décembre, nous avons organisé un calendrier de l’Avent sportif et nous venons de terminer notre challenge sportif et solidaire de juin, remporté haut la main par des collaborateurs très engagés.

La partie énergie mentale concerne la gestion de la charge mentale, qui crée des irritants forts. Nous avons mis en place des dispositifs autour de la parentalité, avec des crèches, des gardes d’enfants en urgence, des conciergeries… Depuis le début de la crise sanitaire, nous proposons aussi une équipe de psychologues qui suit les salariés qui les sollicitent. C’est un dispositif extrêmement utile, que nous maintiendrons.

Nous avons également un écosystème interne de prévention : nous avons formé une cinquantaine de salariés volontaires qui constituent un réseau de collègues à qui parler. Ils servent de premier aiguillage pour des problèmes personnels comme professionnels, un premier niveau pour détecter les signaux faibles, comprendre et orienter.

Nous développons par ailleurs le sentiment d’appartenance et le sens. C’est important, d’autant plus pour les nouvelles générations, de savoir si l’employeur est vertueux, engagé sociétalement, environnementalement. Ce sont des sujets sur lesquels nous sommes engagés et nous permettons des contributions individuelles à des actions, des associations. En tant qu’employeur, on contribue à la société et les salariés se sentent impliqués dans l’entreprise. Cette cohésion est importante, on a beaucoup travaillé sur le collectif à distance depuis un an. Ce sont des nouvelles approches à avoir, ça ne remplacera jamais le lien social, le fait de se croiser dans un couloir, les hasards et les coïncidences d’une journée en présentiel mais c’est possible et toute innovation crée de nouvelles opportunités. Nous avons recréé des routines d’animation du collectif et nous formons et formerons notre management sur ce sujet, c’est un travail sur la durée.

VALÉRIE VEZINHET
HUMAN CAPITAL LEADER, FRANCE & MAGHREB PRICEWATERHOUSE COOPERS

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