Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, « Pegasus Bridge » est le point central de l’opération « Tonga », préalable indispensable au débarquement du D-DAY, l’une des plus risquées, des plus courageuses et des plus folles entreprises de la Seconde Guerre mondiale.

Point clé stratégique pour que le flanc Est des plages de Normandie puisse se déployer et s’écouler après le débarquement du 6 juin 1944, Pegasus Bridge doit impérativement être pris aux Allemands et conservé pendant les heures cruciales du D-DAY. La réussite de l’opération Overlord tient en partie à la récupération de ce pont intact, seul moyen avec celui de Ranville, de rallier la ville de Caen et de faire la jonction entre les troupes parachutées pendant la nuit et le gros des forces débarquées sur les plages de Ouistreham.

Sous les ordres du Majord HOWARD, une poignée d’hommes de la 6ème division aéroportée britannique prépare et exécute avec succès cette opération extrêmement risquée, aux enjeux stratégiques. Cette mission « coup de main » consiste à reprendre le pont de vive force en se posant en planeur, de nuit, le plus discrètement possible, à proximité immédiate du pont.

L’opération parfaitement préparée se déroule conformément au plan prévu, malgré certains cas non conformes fort heureusement anticipés : perte d’un planeur sur quatre, piégeage du pont, etc. La remarquable exécution et la coordination sans faille des membres de cette équipe de choc leur permettent de s’adapter à ces contingences sans faillir.

Entrainés par leur charismatique leader Nigel HOWARD, les commandos britanniques vont déloger les Allemands chargés de la protection du pont et résister aux différentes tentatives de contre-offensives ennemies, malgré un rapport de force hautement défavorable. Ils vont tenir leur position stratégique et permettre aux premiers éléments débarqués sur la plage voisine de Ouistreham (Sword beach) d’entamer avec succès la bataille de Normandie. Parmi les premières unités à franchir ce précieux point de passage figure le commando N°4 du commandant KIEFFER, à la tête des 177 commandos Marine français débarqués aux côtés de leurs camarades britanniques ce jour-là.

Rendu célèbre grâce au film de D. ZANUCK « Le jour le plus long », Pegasus Bridge est aujourd’hui exposé dans le parc du mémorial Pegasus, à proximité immédiate des lieux historiques.

Dans ses mémoires, Winston CHURCHILL a qualifié l’opération sur Pegasus Bridge « d’une des plus audacieuses de la guerre ». Préparation, adaptation, courage et abnégation : au-delà des caractéristiques de cette opération, le symbole de la jonction entre deux « projets à haut risque » (le parachutage et le débarquement) opérée par les 1ers commandos Marine français reste une source régulière d’inspiration pour l’équipe de PEGASUS Leadership… toutes proportions gardées !

« La nuit vient à peine de tomber, le 5 juin à 22h56, lorsque six bombardiers Halifax décollent du Dorset, cap au sud-est, direction les côtes de France, par le travers de Cabourg. Chacun de ces lourds quadrimoteurs tire derrière lui un gros planeur Horsa, construit en bois et en toile. À bord, serrés les uns contre les autres et chantant à tue-tête pour se donner du courage, vingt-cinq hommes et deux pilotes. Minuit passé de sept minutes : le premier planeur décroche son élingue à 1 500 mètres d’altitude.

Soudain, le silence. Minuit passé de seize minutes : le planeur se pose sur une étroite bande de terre, entre le canal et l’Orne. Un atterrissage remarquable, à moins de cinquante mètres en contrebas de l’objectif. Les Horsas se prennent dans les piquets et les barbelés installés par les Allemands. Pour quelques malchanceux, l’aventure s’arrête là, tués ou gravement blessés dans l’atterrissage. Les gardes allemands du pont n’ont rien entendu parce que, au même moment, des bombardements se déroulent dans la région : le ciel est plein de bruits d’avions. Les fantassins et les sapeurs giclent des planeurs – ou de ce qu’il en reste. Ils prennent d’assaut le pont de Bénouville, face à une modeste résistance des Allemands. En moins de quinze minutes, l’affaire est réglée. Les sapeurs constatent que les explosifs n’avaient pas encore été installés et finissent par les découvrir dans une remise. Pour l’autre équipe, chargée de prendre le contrôle du pont de Ranville, les choses se sont passées sans même devoir tirer un coup de feu. Une radio envoie le message convenu :  »Ham and jam, ham and jam, ham and jam… » (jambon et confiture), indiquant que les deux ponts ont été pris intacts. Le lieutenant Fox fait de l’humour anglais :  »Pour l’instant, l’exercice se déroule bien, mais je n’arrive pas à trouver le moindre fichu arbitre »… comme cela se passe durant les manoeuvres ! Il est minuit et demi. Si tout va bien, les troupes alliées – toujours en mer à ce moment – seront là dans douze heures. On ne le sait pas encore, mais le pont vient de changer de nom. Vingt jours plus tard, il sera officiellement baptisé Pegasus Bridge, du nom du cheval ailé de la mythologie grecque. C’est l’insigne des troupes aéroportées britanniques, inventé par la romancière Daphné DU MAURIER, épouse du Général Frederick BROWNING à la tête de l’Airborne Corps.

À Bénouville, les Allemands ne réagissent qu’à partir de 7 heures du matin. La situation se complique. Les paras anglais ont tout le loisir d’observer le café Gondrée, qui fait face au pont. Cet estaminet est la première maison française libérée par les Alliés. Peu après midi, alors que ce qui deviendra  »le jour le plus long » est déjà bien engagé, un son familier se fait entendre. C’est une cornemuse, celle de Bill MILLIN, le piper personnel de Lord LOVAT, quinzième du nom, qui arrive à la tête des commandos. Ils viennent de parcourir les six kilomètres depuis la plage, sur laquelle ils ont débarqué vers 7h30. Il leur a fallu franchir quelques obstacles. L’aristocrate écossais, en tenue de chasse, se présente au major HOWARD et lui dit  »thank you », puis, regardant sa montre, ajoute :  »Oh désolé, nous avons deux minutes et demie de retard. » »

Extrait d’un article de J-D MERCHET paru dans Libération en 2010, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

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