Par Jean-Louis Fiamenghi, ancien patron du RAID, Directeur de la sûreté de VEOLIA

Votre parcours est un modèle de réussite. Jeune enquêteur, préfet, directeur du Raid… Quels talents particuliers pensez-vous avoir développés pour traverser ces différentes vies de flic tout en préservant votre vie de famille ?

À ces questions souvent posées et après réflexion, je vais peut-être décevoir certains mais je pense véritablement que les secrets résident toujours au départ par une bonne éducation dans une famille aimante. Cet environnement bienveillant consolide nos choix de carrières qui donc nous ressemblent. L’immersion dans une littérature peuplée de héros pétris de valeurs m’a montré le chemin de mon parcours et le reste n’a été que volonté, risques, opportunités, rencontres où l’humain a toujours été privilégié. J’aurais pu après mes 7 années « enfant de troupe » choisir le monde militaire mais on grandit toujours face à l’image du père… Et j’ai fait un autre choix, dans des mondes cependant similaires. S’il fallait définir le fil rouge de mon évolution au sein des unités d’intervention « police », je le nommerais « fraternité », « un pour tous, tous pour un ». Le plaisir d’être toujours ensemble, avant, pendant et après les différentes interventions avec les bons et les mauvais jours, chacun grandissant dans le regard de l’autre. Souvenirs formidables.

Quant à la famille, beaucoup d’amour et de respect pour celle qui a partagé ma vie d’égoïste en assurant tout ce qui pouvait manquer lors de mes nombreuses absences.

Si j’ai pu évoluer avant ma nomination comme préfet et auprès des BRI, GIPN, DCRG/SORS, RAID et SPHP, je pense le devoir aussi à ma volonté de mobilité qui m’a obligé à me sortir de ma zone de confort et toujours choisir de nouveaux challenges auprès de nouvelles unités.

Quelle est la mission d’un directeur de la sécurité d’un grand groupe comme Veolia ?

Je commencerais, pour simplifier mes propos et éviter les querelles sémantiques, par parler volontairement de sécurité plutôt que de sûreté et poursuivrais, en étant très réducteur, en disant que la mission principale est d’apporter toute la sécurité au salarié dans son univers professionnel, tout en s’adaptant sans cesse aux menaces en évolution. C’est un poncif, mais tout commence par la sécurité et sans sécurité pas de business et donc pas d’entreprise. Mais la sécurité, comme les valeurs, ne s’affiche pas au ponton du siège et le directeur de la sûreté doit l’incarner totalement pour obtenir l’adhésion de tous. Notre métier s’exprime de plus en plus dans la transversalité et notre culture administrative acquise principalement en police, armée ou gendarmerie, représente, je pense, un atout majeur car la crise a bien souvent été notre environnement.

Pour la réussite de la mission, le positionnement du directeur auprès du président ou du Comex est primordial, car faute d’effectifs et de moyens il ne pourra faire accepter une politique ambitieuse et sera toujours identifié comme un centre de coût. Depuis quelques années, avec la mise en place des politiques de management des risques et l’apport des informations dues à ce que l’on appelle « l’intelligence économique », le directeur de sécurité en travaillant pour la stratégie se repositionne plus efficacement et le club des directeurs de la sécurité (CDSE) n’a de cesse de porter ce message auprès de tous ses adhérents pour une meilleure protection de l’entreprise.

Quelles sont les grandes évolutions du métier de la sécurité ? Comment préparer ses équipes à faire face à l’imprévu ?

Quand nous avons créé en 2012 la direction de la sûreté, la menace la plus importante touchait la sécurité des salariés travaillant dans des zones à risques terroristes ou délinquantes. Par priorité, nous avons diminué ce risque par la mise en place de procédures d’informations et de formations. Aujourd’hui de nouvelles menaces touchant la Cyber, la concurrence internationale, l’honorabilité de nos tiers, nous ont obligés à nous adapter en spécialisant de nouveaux profils et à élargir notre domaine d’activités.

La mise à disposition de nos compétences dans la gestion de la crise est un élément majeur de notre implication. Préparer à l’imprévu, à l’incertitude, constitue pour moi l’essentiel de l’ADN de la culture des équipes sûreté. Les qualités requises pour gérer les crises reposent sur des connaissances et surtout des compétences indispensables. C’est pourquoi la direction de la sûreté organise pour certains managers ou Comex des séminaires sur l’importance du comportement, les effets du stress, de la fatigue et surtout les outils pour les réduire.

De plus, le renfort de jeunes diplômés dans les nouveaux enjeux sécuritaires représente des atouts indispensables à nos directions.

Quels enseignements tirez-vous de ces 40 années d’activités à risque ?

Pourrais-je dire parce que j’aime les hommes que j’ai aimé le risque. Créer une communauté d’esprit pour obtenir la cohésion du quotidien à la crise, privilégier l’humilité, les relations humaines pour préparer les groupes à s’adapter à l’incertitude sont les secrets d’une vie. Braver le danger, mettre sa vie en péril, se sentir responsable de celles des autres, m’ont appris combien les qualités humaines sont essentielles pour le management du quotidien alors que le principe de précaution s’est imposé comme principe du non risque tendant vers une société aseptisée qui fragilise. Aux jeunes, je dis : « osez » pour vivre.

Les seuls regrets : les blessés et les morts lors des opérations où les tentatives d’explications seront toujours aussi vaines et douloureuses.

Quelle satisfaction également de constater que nos successeurs ont fait évoluer avec succès les techniques et les procédures pour gérer les nouvelles menaces : les dernières affaires de terrorisme l’ont démontré.

Avez-vous un message à passer à tous les cadres et dirigeants qui liront cet article ?

Les messages, les conseils toujours pour les autres, pareils pour la signature des chartes d’éthique ou autres… bouh !

L’entreprise est le reflet et de la société, ses règles de vie et de comportement sont essentielles pour développer la cohésion et le collectif afin que tous les salariés protègent leur entreprise.

Nous, les cadres, devons continuer à privilégier les temps d’écoute pour entretenir ce collectif.

Aussi, avec l’équipe de PEGASUS qui connait le moteur des hommes, nous avons sans cesse la volonté d’adapter les formations aux objectifs des managers pour intégrer chez Veolia ces techniques de management.

Bien évidemment nous ne désirons pas transformer les cadres des entreprises en commandos mais les sensibiliser à la richesse de ces rapports humains indispensables aux valeurs incarnées dans l’entreprise.

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