Rencontre avec le Capitaine de Vaisseau Philippe Vauterin, commandant de l’école des fusiliers marins.

En quelques lignes, un résumé de votre parcours professionnel ?

J’ai démarré ma carrière en tant qu’officier diplômé de l’école navale (promotion 1990) et j’ai choisi la spécialité de fusilier marin. J’ai par conséquent été affecté alternativement dans les unités commandos et les forces de surface, après des périodes de formation à l’école des fusiliers marins.

Mon parcours m’a notamment permis de servir au commando Trepel et au commando de Penfentenyo, unité que j’ai commandée en 2003, ainsi que sur divers bâtiments et états major, en France et à l’étranger. J’ai également été directeur de l’enseignement de l’école des fusiliers marins en 2006-2008, unité dont j’ai pris le commandement en août 2015. Enfin, j’ai passé 4 ans au commandement des opérations spéciales près de Paris. J’ai donc énormément voyagé et j’ai eu l’opportunité de participer à des opérations passionnantes.

À noter que j’ai servi 2 fois (1993-2006) sous les ordres de Jérôme Mandin, et succédé en 2006 à Loïc Coupannec !

Expliquez-nous le parcours de sélection des commandos Marine : comment passe-t-on de « jeune civil » à « équipier Forces Spéciales » ?

Après avoir constitué un dossier auprès du CIRFA (centre de recrutement et de formation des armées) incluant notamment une visite médicale d’aptitude à la spécialité, le jeune civil est convoqué à l’école des fusiliers marins pour y passer 5 jours de tests physiques ainsi qu’un entretien devant un psychologue.

Les tests physiques comportent des courses avec et sans sac à dos, une natation avec apnée et des exercices de type pompes, abdominaux et cordes. Cette semaine d’évaluation se prépare !

Le psychologue évalue le profil, la motivation du jeune à entrer chez les fusiliers marins, il teste également les aptitudes cognitives du candidat.

Seulement la moitié se voit ensuite admise à l’école des fusiliers marins, ceux qui ont échoué à ces tests pourront se présenter à une nouvelle évaluation s’ils le souhaitent. Les admis intègrent une formation de 4 mois de « quartier maître de la flotte » (QMF), qui leur permettra d’exercer des fonctions d’opérateur fusilier.

Cette formation débute par 6 semaines pendant lesquelles le jeune matelot apprend les « fondamentaux » du marin, la suite du cours étant consacrée à des aspects plus spécifiques au métier de fusilier marin : sport, topographie, combat, protection défense, etc. Une partie des élèves QMF sera écartée principalement pour raisons médicales, la formation étant particulièrement éprouvante moralement et physiquement. À l’issue de cette formation, les jeunes sont envoyés dans l’une des unités de fusiliers marins chargées de la protection des points sensibles de la Marine. Ils y continuent l’entrainement et peuvent postuler au stage commando dès qu’ils se sentent suffisamment préparés.

Le stage commando est précédé par 2 jours appelés « tests commandos » que le candidat doit absolument réussir pour continuer. Les candidats qui échouent sont renvoyés dans leurs unités.

Les 3 premières semaines du stage sont appelées « évaluations », elles constituent la partie la plus « physique » et la plus éprouvante : succession d’épreuves de jour et de nuit, en condition de fatigue, quels que soient le temps et la température, à terre et en mer. Les séquences suivantes sont plus « formatrices » dans le domaine des savoir-faire techniques à maîtriser et du combat commando, mais elles n’en restent pas moins difficiles. Après 3 mois d’une formation intense, le béret vert officialise le titre « d’équipier Forces Spéciales » puis l’affectation en unité commando.

À chaque étape de sa carrière, un commando remet en jeu son béret vert lors d’un nouveau stage commando destiné à le former à un niveau de responsabilité supérieur.

Quelques chiffres ? (flux, taux d’échec, durée, etc.)

L’école évalue environ 800 civils par an désireux de servir en tant que commando. La moitié d’entre eux sont admis en formation initiale (soit 400) et seulement 300 deviendront fusiliers marins et rejoindront une unité.

Dans le vivier global des fusiliers marins, on compte chaque année 180 à 200 candidats au stage commando, répartis en 2 sessions et admis aux tests commando. À l’issue des stages, entre 25 et 50 jeunes opérateurs accèderont au béret vert.

Quelles sont les principales qualités nécessaires ?

La motivation, les qualités physiques (endurance, tonicité musculaire…), le goût de l’effort et enfin l’état d’esprit (l’humilité, le collectif).

Les aptitudes personnelles combinées avec une forte conscience du collectif développent de la performance. L’intelligence de situation, d’analyse et de comportement sont des qualités nécessaires à un commando pour préparer et conduire une mission.

Plus on monte dans le niveau des stages, plus on va avoir besoin de capacités d’analyse, d’habileté mentale.

Un très bon opérateur commando pourra atteindre un plafond dans le niveau de responsabilité que l’on peut lui confier, et ainsi échouer à un moment de sa progression.

Et les principaux défauts à combattre ?

La mauvaise préparation physique, la malhonnêteté vis-à-vis de soi-même et des autres.
« Le terrain ne ment pas », et s’il faut développer son audace et sa confiance en soi il ne faut pas non plus se surestimer.

Les méthodes pédagogiques employées permettent de faire ressortir ces défauts pour mieux les combattre, si on en a la volonté. Dans le cas contraire c’est l’abandon ou l’échec, en raison d’une performance insuffisante ou en raison d’une blessure.

Pourquoi les principes de sélection des commandos Marine sont-ils restés quasiment les mêmes depuis leur création en Écosse, pendant la Seconde Guerre mondiale ?

Les fondamentaux de l’école commando ne changent pas : savoir trouver de la ressource personnelle et restituer des gestes dans l’inconfort, l’adversité, le stress.

Les équipements changent, les techniques évoluent, les compétences se modernisent, mais pour forger les valeurs et les qualités physiques du commando, l’esprit et la méthode de la sélection ont prouvé leur efficacité depuis 75 ans, lorsque les premiers commandos ont débuté leur formation à Achnacharry en 1942. Les parcours d’obstacles présents sur le site de l’école sont inspirés directement des parcours écossais, et l’endurance tient une grande place dans la sélection des commandos. L’arme portée dans les parcours est d’ailleurs toujours un pistolet mitrailleur qui date de 1949 !

Les évolutions dans le contenu du stage commando d’aujourd’hui se trouvent dans la deuxième partie du stage, qui a vocation à préparer le stagiaire à son futur environnement et aux théâtres d’opération sur lesquels il va être déployé.

Un conseil à donner à un jeune qui voudrait s’engager dans cette aventure professionnelle ?

Intégrer la force maritime des fusiliers marins et commandos, c’est s’investir dans une aventure, rejoindre une famille, adopter un état d’esprit, protéger la société et combattre les ennemis de la France. Notre métier est très exigeant et à la fois très riche de sens et porteur de valeurs, notre histoire en est le témoin. La Marine est, de plus, adepte de la méritocratie et reconnaît l’aptitude du marin à travailler pour progresser, une carrière est ainsi une succession d’opportunités, de rebondissements et de reconnaissance du travail fourni.

La force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO) est 1 des 4 composantes de la Marine nationale avec la force d’action navale, la force océanique stratégique et la force de l’aéronautique navale.

Elle compte environ 2 300 personnels, militaires et civils, répartis au sein de 18 unités implantées sur 10 sites en France. La FORFUSCO est articulée autour de 2 grandes composantes :

  • Les unités de fusiliers marins qui sont les forces spécialisées protection-défense de la Marine ;
  • Les unités de commandos Marine qui sont les Forces Spéciales de la Marine.

Le centre de gravité de la force est situé à Lorient, avec la base des fusiliers marins et des commandos où se trouve notamment l’état-major de la force, et 6 des 7 unités commandos, l’ensemble étant colocalisé avec l’école des fusiliers marins.

La spécialité de fusilier marin est au cœur de la force maritime des fusiliers marins et commandos. Sa création remonte à 1856 avec la fondation de l’école des fusiliers marins qui assure encore aujourd’hui la sélection et la formation de tous les fusiliers marins et des commandos Marine.

La FORFUSCO porte ainsi l’héritage de plus de 150 ans d’histoire et d’engagements au combat qui a notamment été marquée par l’engagement des fusiliers marins dans :

  • Les guerres coloniales du XIXe siècle et la guerre de 1870 ;
  • La Première Guerre mondiale avec les batailles de Dixmude (1914), Nieuport (1915-1917), Moulin de Laffaux (1918) ;
  • La Seconde Guerre mondiale avec les campagnes d’Afrique du Nord, d’Italie et de France, le raid sur Dieppe, les débarquements en Normandie et Provence, le débarquement en Hollande, la prise de Berchtesgaden ;
  • La guerre d’Indochine ;
  • La guerre d’Algérie ;
  • Et depuis 1962, toutes les opérations extérieures majeures des armées françaises, en particulier au Liban, dans le Golfe Persique, en Bosnie, au Kosovo, en Somalie, au Rwanda, en Afghanistan, au large de la Somalie, au Mali, au Sahel et en République Centrafricaine, au Proche et au Moyen Orient.
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